Bertier : rencontre avec un collectif belge de chanson à la musicalité riche


Bertier, collectif belge, est présentement en tournée pour présenter son premier album : Dandy. Nous sommes allés à la rencontre du collectif Bertier pour qu’il nous parle de leur chanson-pop bruxelloise. Dandysme, médias ultraconservateurs,  Gainsbourg et Thiéfaine sont évoqués dans cette entrevue.


  • Bonjour Bertier, je vous remercie d’avoir accepté le jeu de l’entrevue. Commençons par les présentations : Qui est Bertier ? D’où vient-il ?

Merci à vous. Alors « Qui Sommes-Nous ? » (c’est le titre d’un morceau de l’album). Bertier est un collectif d’une vingtaine de musiciens (7 sur scène), né à Bruxelles en 2014. Le guitariste français Yan Péchin nous a rejoints. Plusieurs musiciens viennent du classique et du jazz (la pianiste Grażyna Bienkowski), d’autres du rock, de la pop…La plupart sont multi-instrumentistes. Pendant une année, jusqu’au printemps 2015, chacun a mis en musique, en musiques même, les textes de Pierre Dungen. Quentin Steffen, le claviériste-trompettiste-guitariste, a tenu le rôle de directeur artistique, alors qu’Amaury Boucher, bassiste-batteur-saxophoniste, a mixé et mastérisé l’album.

  • Dandy est le 1er projet du collectif Bertier, vous venez de le présenter au Festival FrancoFaune, ce concert ouvre votre tournée : comment s’est passé ce premier concert de tournée ?

Franchement bien, les échos sont positifs. On cherche à proposer un vrai univers avec une création lumière, des projections images. Une captation a été faite, par une super équipe. Ce spectacle « lourd » nous prive sans doute de jouer dans quelques salles aux infrastructures trop légères, mais c’est un choix, douloureux et nécessaire. Et puis, débuter au Festival FrancoFaune c’était l’idéal. Le projet de Florent Leduc est à la fois convivial et artistiquement ambitieux.

  • Votre album tourne principalement autour d’un couple que vous élevez au rang de légende avec la vidéo du morceau « Baby L et joulik dandy ». Qui sont Baby Lol et le joulik dandy ?

Disons que l’histoire ne tourne pas vraiment sur le mode réaliste. Il s’agit d’un Dandy, mystérieux, bandit de petits et grands chemins de traverse, qui aime – à la dévorer des yeux – la sirène Baby Lol. C’est comme un livret sur lequel les musiciens s’en sont donnés à cœur, et même à chœurs, joie.

  • Qu’est-ce qui vous plaît dans la figure du Dandy ? Comment traduisez-vous l’esthétique du dandysme dans votre musique ?

On espère faire passer l’idée d’une forme d’art de vivre, un peu décalée, sans pour autant nous prendre pour des Dandys. C’est plutôt pour la richesse du personnage décadent, désabusé sans être Dédé la déprime… Pour la musique, on voulait du « classieux », amener des atmosphères, une ambiance cinéma, soigner les arrangements. On crée des chansons « à écouter » plutôt qu’à entendre. Les deux genres ne s’excluent évidemment pas, une vérité qu’il faudrait parfois rappeler aux médias mainstream qui sont pour la plupart ultraconservateurs et, au final, assez méprisants envers le public.

Pierre Dungen, chanteur du collectif :
Pour ma part, j’aime les doubles sens, les mystères, les références conscientes ou inconscientes ; les chansons qui s’offrent mais pas tout de suite, pas la première fois… J’aime entrer dans l’univers artistique des chanteurs (quelles sont leurs références). Je suis redevable à tellement d’auteurs et de compositeurs… Parmi tant d’autres, je remercie Thiéfaine de m’avoir fait découvrir Lautréamont ; je remercie Gainsbourg de m’avoir initié à Baudelaire ou à Nerval… mais aussi à Chopin ou à Brahms (que le beau Serge a adaptés). Finalement mieux qu’à l’école. Les artistes peuvent être des passeurs formidables, des gens qui rassemblent sans que tout se ressemble.

  • Vous venez de sortir la vidéo du morceau « Baby Lol », inspirée par le cinéma muet et Charlie Chaplin : qu’est-ce qui vous attire dans cette esthétique-là ?

C’est le 4e clip réalisé pour nous par Lara Herbinia (qui est photographe et 2e voix dans le collectif). On a eu envie de choisir le noir et blanc pour souligner que nous remontions « aux origines », au moment de la rencontre entre les deux héros. Il ne faut pas chercher plus loin. Et puis on a deux « belles gueules » – Antoine Defeyt et Vally Steffen, la sœur de l’autre…- qui sont élégants et délicats en N/B. Ils ont été les personnages récurrents de l’histoire dans 3 des 4 clips sortis pour le moment. Pour le prochain, on va se montrer ! On n’est pas mal non plus…

  • Quelles sont vos influences musicales parmi les artistes francographes ?

On adore l’expression… Il y en a des tonnes et des tonnes. Ce n’est pas pour contourner la question, mais on sera évidemment incomplets. Ça fait du monde, quelques morts, beaucoup de vivants. Outre les deux déjà cités (Thiéfaine et Gainsbourg), les tant regrettés Bashung et Daniel Darc, mais aussi Manset, Higelin, Dominique A, Murat, Christophe, Daho, Brigitte Fontaine…dans les plus jeunes, Arthur H, Camélia Jordana, l’audacieux Babx, Camille, Joseph d’Anvers, Florent Marchet, Radio Elvis, Feu! Chatterton, Grand Blanc, Flavien Berger… Trop dur de citer tout le monde. Il y a également une belle scène belge, on pense à Olivier Juprelle, Olivier Terwagne, aux univers délicats d’Ivan Tirtiaux ou Mathias Bressan… Impossible de tout citer.

  • Qu’écoutez-vous en ce moment ?

Ça c’est une question encore « pire ». Enormément de choses et dans des genres très, très différents. Et pas uniquement en français, bien entendu. Pour nous, chanter en français c’est davantage illustrer que défendre, c’est laisser respirer les différences, cultiver la diversité plutôt que s’opposer aux autres (c’est d’ailleurs la politique de FrancoFaune…). Au sein du collectif, on voyage pas mal, parmi les langues, les continents, les styles de musique. N’hésitez pas à découvrir le jazz inventif du Grazyna Bienkowski Trio (composé de Grazyna, Amaury et Quentin) ou encore l’Ethiogroove d’Azmari (dans lequel Quentin joue également) ou Askanyi, un incroyable mélange de musique classique et de world, symbiose entre cordes et cordes vocales, dont Lara a créé l’image.

Au final, Bertier souhaite qu’aujourd’hui plus qu’hier les médias diffusent des chansons en français mais aussi en espagnol, en italien… Et off course en anglais, enfin de préférence dans du vrai anglais plutôt que dans le globish z’international prisé par trop de radios de la bande FM (une sacrée bande celle-là, que fait la police…). Nous plaçons beaucoup d’espoirs dans les médias web (sans faire de lèche…) qui, eux, programment de façon audacieuse.

  • Avez-vous des artistes francographes à recommander ?

On va éviter la totale name dropping… On vous dira voir les questions précédentes ou alors « tous ceux dont on vient de parler, sans oublier tous les autres auxquels on ne pense pas pour le moment, ou qu’on ne connaît pas encore ».

  • Quels sont vos projets pour la suite ?

Déjà on espère tourner le plus longtemps possible, et toujours dans des lieux adaptés pour les raisons que nous avons expliquées. Quitte à « faire » moins de dates, mais, de la sorte, nous sommes certains que les gens prendront leur pied, les deux et même ceux des voisins. Nous avons également commencé la création du deuxième album, qui propose un univers sur le thème de l’air, aérien, léger. Le livret et les nouveaux personnages se mettent en place, sur des mélodies qui seront en majorité solaires. Avec du ténébreux aussi… afin que Pierre puisse cultiver ses névroses. On s’achemine aussi vers des collaborations inattendues, même au niveau des textes ce qui sera une première. Petit à petit ces morceaux-là viendront s’ajouter au spectacle en cours. Comme on dit à Bruxelles, ce sera « tof ».


Leur Facebook — leur site 


Laisser un commentaire